DETERMINER LE SEXE D'UN CICHLIDÉ
DU LAC MALAWI
Déterminer le sexe d'un cichlidé est
très facile avec des poissons adultes au calme dans
un aquarium chez soi. La tâche devient impossible en
bourse avec des alevins, des juvéniles ou quand un
mâle perd brutalement ses couleurs et se cache au
milieu des femelles. On peut quand même s'aider d'une
dizaine de critères morphologiques et d'autant de
critères comportementaux pour arriver à sexer
les cichlidés, mais de nombreuses exceptions rendent
la tâche difficile.
LA TAILLE des individus peut faciliter
l'identification, les mâles étant
généralement plus grands que les femelles.
Mais ce critère est peu fiable car des
paramètres de stress, de nourriture, d'environnement,
de génétique interviennent dans la croissance
de chaque individu. Ainsi, au sein d'une même ponte il
arrive toujours qu'on retrouve des mâles parvenus
à l'âge adulte plus petits que leurs soeurs.
LA COULEUR DE LA ROBE
La reproduction de l'espèce étant
l'activité principale des mâles, ceux-ci
n'auront de cesse d'attirer les femelles. A cet effet, la
nature les a dotés de couleurs vives. Les femelles de
leur côté, en protégeant leurs petits
dans la bouche, devront passer inaperçues pour
éviter les agressions. Elles sont donc
généralement de couleur neutre vis à
vis de leur environnement. On trouve cette différence
de couleur de robe mâle-femelle chez de très
nombreuses espèces: Aulonocaras,
Cynotilapias, Protomelas..., F.
rostratus, Sc. fryeri, etc...).
Fossorochromis rostratus
mâle et femelles
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Sc.fryeri
mâle et femelle
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O.mossambicus
mâle et femelle
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Chez beaucoup de Mbunas (Maylandia msobo,
Melanochromis,
Pseudotropheus
saulosi, Tropheops,...) les mâles sont bleus
et les femelles jaunes ou orangées .
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Maylandia esterae Minos Reef
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Maylandia msobo Magunga
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Ps. saulosi
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Ps tropheops Chilumba
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mâles
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femelles
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Ce dichromisme sexuel trouve une exception chez le Ps.
lombardoï où le mâle est jaune et sa
femelle bleue. De même, chez les Melanochromis,
alors que les mâles sont généralement
bleus et les femelles jaunes ou marron, le Melanochromis
cyaneorhabdos est bleu dans les deux sexes, seuls
l'existence d'ocelles pouvant faire la différence. A
l'inverse, les mâles et les femelles Tropheops
sp."gold otter" sont jaunes. Il faut signaler d'autres
cas particuliers comme chez le Maylandia msobo Lundo
où, pendant la période d' incubation,
certaines femelles prennent la couleur du mâle et
adoptent un comportement territorial. Certaines femelles
Melanochromis et Ps. lombardoi
âgées adoptent aussi une couleur similaire
à leur mâle, tout en pouvant continuer à
assumer des incubations normalement.
D'autres espèces se différencient par les
formes OB. Ce sont généralement les femelles
qui sont OB, rarement les mâles, mais parfois aussi
mâles et femelles (Tropheops tropheops Makokola
Reef...). On retrouve ces formes OB surtout chez les
Labeotropheus, Maylandia, Tropheops.
Pour compliquer la chose, chacune de ces espèces peut
apporter son lot de cas particuliers.
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Maylandia sp."zebra gold" Lion's
Cove
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Labeotropheus trewavasae
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Ci-dessus : mâles
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Ci-dessus : femelles
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Chez certaines espèces les deux sexes ont la
même couleur (Labidochromis caeruleus,
Iodotropheus sprengerae, les Hemichromis,
Pseudotropheus acei Msuli, Ps. demasoni,
Placidohromis electra, Steatocranus casuarius,
etc...). C'est alors qu'on doit considérer d'autres
critères pour déterminer le sexe du poisson.
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Placidochromis electra
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Labidochromis caeruleus
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Maylandia livingstoni
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Ci-dessus : mâles
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Ci-dessus : femelles
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LES JUVENILES
Dans le Malawi les alevins et les individus sub adultes
ont la même couleur que leur mère, avec des
exceptions comme pour le Maylandia esterae chez
lequel les alevins sont sexables dès la naissance
grâce à une coloration orange chez les femelles
et brune chez les mâles.
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Sc. fryeri
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Cynotilapia axelrodi
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Maylandia msobo Magunga
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Maylandia estherae
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Les jeunes
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Les femelles
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Les mâles
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LES
OCELLES
Les ocelles sont généralement un bon
critère de différenciation sexuelle. La
plupart des mâles mbunas portent des ocelles, pas les
femelles. Les exceptions sont loin d'être rares,
même chez les non mbunas : on retrouve aussi bien des
femelles portant un ou plusieurs ocelles comme leur
mâle (Cynotilapia axelrodi, Iodotropheus
sprengerae, Maylandia esterae, Ps.sp."kingsizei Lupingu
", Otopharynx tetraspilus "yellow fin" Mloto...) que
des femelles portant des ocelles alors que le mâle
n'en a pas (Sc.fryeri). Chez certaines
espèces, le mâle n'en possède pas plus
que la femelle (Fossorochromis rostratus, Protomelas
fenestratus Taiwan Reef...). Chez les Aulonocaras
stuartgranti, les espèces vivant au nord du lac
ont des ocelles, mais pas les espèces vivant au sud.
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mâle
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femelle
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mâle
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femelle
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Généralement le mâle
a des ocelles que n'a pas la femelle.
Ici : Ps. acei Msuli
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Une exception : chez le Sc.
fryeri, c'est la femelle qui a des ocelles
alors que le mâle n'en n'a pas
Le mâle Fossorochromis rostratus ne
possède pas non plus d'ocelle.
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LA FORME DE LA NAGEOIRE ANALE
La plupart des nageoires anales des mâles sont
plus pointues que celles des femelles.
Mais c'est là une généralité
avec bien des exceptions.
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Copadichromis borleyi Kadango"red
fin" mâle
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Copadichromis borleyi Kadango"red
fin" femelle
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LA FORME DE LA NAGEOIRE DORSALE
Elle est classiquement plus longue et plus
effilée chez les mâles de très
nombreuses espèces : Aulonocaras,
Copadichromis, Protomelas, les mbunas...
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Pseudotropheus Acei Msuli
mâle
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Pseudotropheus Acei Msuli femelle
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LES NAGEOIRES PELVIENNES
Les mâles de certaines espèces ont des
pelviennes particulièrement développées
(Copadichromis borleyi, Ps.zebra long pelvic...).
Pour les espèces où mâles et femelles
sont de la même couleur, ce détail peut avoir
de l'importance: chez le Ps.sp."kingsizei Lupingu "
mâles et femelles sont jaunes et ont des ocelles; par
contre le mâle a une dorsale bleue et des pelviennes
plus longues pouvant atteindre le milieu de la nageoire
anale.
Chez beaucoup d'espèces, LES NAGEOIRES
PELVIENNES et/ou ANALES SONT SOULIGNÉES DE NOIR
dans leur partie externe. Ce détail peut
désigner un mâle stressé qui a perdu ses
couleurs. Il peut également être le seul
critère visuel de différenciation sexuel de
certaines espèces (Labidochromis caeruleus...)
LA BOSSE FRONTALE
Une caractéristique physique rare dans le lac
Malawi est l'apanage d'une seule espèce: la bosse
frontale du
Cyrtocara
moorii. Chez ce très beau cichlidé,
mâle et femelle sont bleus et ont une bosse frontale
fibreuse et grasse. Mais celle du mâle devient
très volumineuse avec l'âge, permettant du
premier coup d'oeil de faire la différence.
Malheureusement cette bosse frontale tend à
disparaître chez les individus reproduits en
captivité depuis plusieurs
générations.
On retrouve cette bosse frontale chez d'autres
cichlidés ne vivant pas dans le Malawi, comme le
Steatocranus casuarius qui est un fluviatile.
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Steatocranus casuarius mâle
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Steatocranus casuarius femelle
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L'ORIFICE GENITAL
Chez un certain nombre d'espèces ( Cynotilapia
axelrodi, le Labidochromis caeruleus, le
Placidochromis electra, le Ps. demasoni , le
Ps. socolofi ... ) il n'y a pas de dichromisme
sexuel. Les juvéniles également sont
difficiles à sexer. On aura alors recours à
la méthode dite "de la retournette". Je
résume pour les débutants: la méthode
consiste (après s'être mouillé les mains
pour éviter d'enlever le mucus protecteur) à
prendre le poisson sur le dos pour faire apparaître
l'orifice anal et l'orifice (papille) génital. Les
deux orifices sont alignés. L'anus, identique dans
les deux sexes, étant le plus éloigné
de la nageoire anale. Chez l'homo sapiens, c'est l'inverse.
Je sais, la comparaison est douteuse, mais elle a le
mérite d'être efficace comme moyen
mnémo-technique. Théoriquement l'orifice de la
femelle paraît plus évasé, plus flou que
celui du mâle. Si on dispose de plusieurs individus et
d'une loupe, on peut les comparer et déterminer plus
facilement le sexe du poisson. Quand j'ai appris qu'on
pouvait différencier les sexes "à la
retournette", je me suis dit que j'étais
sauvé. Grossière erreur. Je me suis
entraîné avec plusieurs espèces que je
maintenais. Je me trompais une fois sur deux, c'est à
dire que statistiquement j'aurais eu autant de chances en
jouant à pile ou face, la méthode ne pouvant
réduire le taux d'erreur qu'avec un
entraînement intensif. Les quelques exemples suivants
montrent toute la difficulté de
l'interprétation visuelle de la méthode:
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LES CRITERES COMPORTEMENTAUX
La
dominance chez les mâles
Un mâle dominant aura des couleurs vives. Un
mâle dominé va perdre ses couleurs pour
éviter les agressions et on pourra le confondre avec
les femelles.
Chez certaines espèces le mâle a une couleur
très vive et la femelle une couleur plus terne:
Sc.
fryeri,
Cynotilpia
pulpicans,
Cynotilapia
afra,
Pseudotropheus
elongatus....
Mais certaines femelles vieillissantes pourront
prendre les couleurs du mâle, de même que
certaines femelles en incubation.
Egalement, une femelle dominante sur son mâle
pourra avoir des couleurs plus vives.
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C. afra mâle
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C. afra femelle
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La
dominance chez les femelles
Certaines femelles sont dominantes, surtout s'il y a
compétition entre plusieurs d'entre elles, et elles
peuvent être confondues avec des mâles. Leurs
couleurs s'intensifient alors et elles deviennent
agressives. J'ai eu des doutes sur le sexe d'une jeune
femelle Ps. saulosi qui avait accentué ses
barres noires et noirci sa dorsale. Elle ressemblait
énormément aux jeunes mâles qui
n'avaient pas encore viré au bleu. Les doutes se sont
dissipés le jour où elle a incubé.
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jeune mâle Ps. saulosi
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Femelle dominante Ps. saulosi
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LA
REPRODUCTION
IIl est très facile de déterminer le sexe dans
cette période de reproduction en raison des
comportements très différents des
individus:
Chez le mâle:
préparation
du nid, parade, poursuite de la femelle,
frétillements.
Chez
la femelle : ponte, position en T, prise en bouche des
oeufs, isolement puis jeûne, protection des alevins,
etc...
Mais certaines caractéristiques physiques sont
évidentes chez les femelles:
- Avant le frai le ventre des femelles est plus arrondi
que d'ordinaire car plein d'oeufs. Il faut se
méfier des individus qui ont trop mangé ou de
ceux qui sont malades et qui peuvent présenter un
tableau similaire.
- En période de frai la femelle
présente son orifice de ponte saillant. On
observe ce phénomène un à deux jours
avant la ponte.
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femelle Sc.fryeri
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femelle Sc.fryeri en
période de ponte
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- En période d'incubation la bouche est
déformée vers le bas. Il faut toutefois ne
pas confondre avec un poisson qui vient de manger et qui
garde un morceau trop gros dans sa bouche.
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J'incube ou je mange ?
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- En fin d'incubation les femelles ont un
ventre creux caractéristique d'un jeûne
prolongé, mais ce signe devient superflu devant une
bouche hypertrophiée par des alevins prêts
à sortir.
L'HERMAPHRODISME DES CICHLIDÉS
C'est un phénomène qu'on étudie
depuis quelques années seulement et qui semble plus
important qu'on ne pense.
On ne parle pas ici des cichlidés du Malawi, mais de
cichlidés issus d'autres environnements (Lac
Tanganyika, lac Victora, cichlidés
américains...)
Ce sont apparemment les conditions d'environnement qui
peuvent déterminer le sexe de certains
cichlidés, en particulier la présence d'un
seul sexe dans une communauté, le pH de l'eau, la
température de l'eau.
Certaines femelles âgées, lorsqu'elles
se retrouvent en présence d'autres femelles plus
jeunes, et sans mâle, vont se colorer comme des
mâles. Elles peuvent même développer des
spermatozoïdes dans leurs ovaires et féconder
d'autres femelles (exemple authentifié avec une
femelle Haplochromis callipterus).
Certains juvéniles mis en présence de
femelle adulte, deviendront des mâles. D'autres
deviendront des femelles s'ils sont mis en présence
de mâles adultes. La différenciation sexuelle
ne se fait donc ici qu'au moment du passage à
l'âge adulte (exemple authentifié avec des
jeunes
Julidochromis
reganii)
Certaines espèces sont influencées par le
pH de l'eau. Chez les Pelvicachromis et les
Apistogramma, plus le pH de l'eau est
élevé, plus on aura de femelles et
inversement.
Dans une ponte, on observe toujours des alevins plus
gros et d'autres plus petits. Si on les laisse grandir, les
plus gros seront des mâles et les plus petits des
femelles. Maintemant, si on sépare les gros des
petits, dans le groupe des gros les plus gros seront des
mâles et les plus petits des femelles. De même
dans groupe des petits: les plus gros seront des mâles
et les plus petits des femelles.
BIBLIOGRAPHIE
"La reproduction des cichlidés" par
Jérôme THIERRY, AFC 1994.80, RFC N° 235 de
janvier 2004
"Les Cichlidés du Malawi dans leur milieu naturel".
3° Edition. Ad Konings
"Le guide Back to Nature des Cichlidés du Malawi"
2° édition révisée et
augmentée. Ad Konings
"Cichlidés du lac Malawi de Tanzanie" Andreas
Spreinat
"Cichlidés afriacins, espèces d'Afrique
orientale" Dr Wolfgang Staeck, Horst Linke
ICONOGRAPHIE de "la retournette"
Exotic
Tropicals (en Anglais, avec d'autres photos de sexes des
poissons)
Les Pages
Web de P.Point: aller sur cichlidés =>
articles => trucs et astuces: N° 28 "la
retournette"
cichlides.com
Akvariesiden
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